Musiques NouvellesTana
(Antoine Maisonhaute, Chikako Hosoda*, Romain Montfort & Jeanne Maisonhaute)
*Chikako Hosoda remplace pour ce concert le violoniste Mickaël Bonnay.
Stephen Shank, récitant
A travers un partenariat unique entre 22 ensembles et 160 compositeurs, le projet
Re:new Music développe entre 12 pays européens et partenaires un réseau créatif d'une riche diversité où chacun peut puiser chez l'autre, offrir et créer à ce jour 176 oeuvres nouvelles ! Le
Quatuor Tana, en résidence à
Musiques Nouvelles, crée à Mons
Maito pour quatuor à cordes et récitant du Finlandais
Max Savikangas et
Five Famous Adagios de l'Anglaise
Joanna Bailie.
Programme
Maito (1999) de Max Savikangas, pour quatuor à cordes et récitant (12')
Five Famous Adagios (2006) de Joanna Bailie, pour quatuor à cordes (14')
Quatuor n°3 (Mishima) de Philip Glass (18')
Max Savikangas : Maito
Max Savikangas, né en Finlande en 1969, est compositeur et altiste. Diplômé de l'Académie Sibélius en 1998 en théorie, composition, alto et musique électroacoustique, il aime combiner les disciplines et les techniques instrumentales, de l'acoustique à l'électronique. Son oeuvre, qui comptait déjà 72 pièces en avril 2008, décloisonne volontiers les genres sans craindre d'impliquer l'image et les technologies informatiques les plus pointues.
Il sort en janvier 2004 chez Uusinta Publishing Company un CD intitulé Extraterrestrial qui compte 21 pièces et dure plus de deux heures et demie.
Soliste et chambriste, il privilégie la musique contemporaine dont il est souvent le dédicataire et l'improvisation.
"Je commence à composer en improvisant sur mon alto. Comme souvent, certaines idées survivent et suivent leur propre chemin. Le noyau de mon travail est le son entendu plutôt que des idées abstraites nées sur le papier ou sur un écran d'ordinateur. [...] Cela ne veut pas dire que je ne m'intéresse pas aux détails. Maito est écrit avec une extrême précision et mon répertoire pour alto inclut un grand nombre d'oeuvres techniquement très difficiles de compositeurs contemporains." Max Savikangas
Membre fondateur de l'Ensemble de chambre Uusinta, il joue souvent dans l'Avanti! Chamber Orchestra. De 2000 à 2001, il fut altiste à plein temps de l'Orchestre de l'Opéra National Finlandais.
Max Savikangas joue sur un alto créé en 1998 par le luthier Pekka Mikael Laine qui utilise l'analyse spectrale sur ordinateur.
"Maito pour quatuor à cordes et récitant s'inspire du texte éponyme de mon ami Teemu Mäki ; il fait partie d'une de ses oeuvres vidéo . Il est prononcé par la tête d'une femme qui, au fond d'un aquarium, est lentement recouverte de lait... Maito ou Milk (Lait) est un mélodrame qui combine la musique et le récit, une forme de composition que j'estime trop peu sollicitée aujourd'hui." Max Savikangas
Version française du texte de Maito : Lait
Quelque part quelqu'un meurt de faim, quelqu'un d'autre ailleurs se régale d'un luxueux festin. Quel est leur point commun? Si le luxe existe aux dépens des affamés, le profiteur se sent-il automatiquement coupable? Si un sentiment de culpabilité survient, le luxe perd-il sa saveur? Si le profiteur ne fait pas l'expérience de la culpabilité, serait-il insensible? Ne pas ressentir de culpabilité, est-ce être incapable de tout sentiment? Pouvez-vous éprouver de la culpabilité, en souffrir, et le moment venu changer d'émotion sur commande pour festoyer joyeusement aux dépens des autres? Quelqu'un meurt de faim de l'autre côté de l'écran de télévision; quelqu'un d'autre fait bonne chère devant son poste. C'est comme ça! Qui s'en trouve blessé? Celui qui meurt de faim. Les enfants de 10 ans, esclaves dans une fabrique de baskets. Quel rapport avec moi? Qui en profite? Les patrons de la fabrique de baskets? Celui qui s'empiffre en regardant la télé? Le goût de la crème glacée est-il plus intense quand quelque chose à la télé, sans crème ni glace, peut y être comparé ? Si de l'autre côté de l'écran quelqu'un savourait du chocolat, devrais-je déguster le caviar le plus cher pour ressentir le luxe de ma position? Si tout le monde mange du caviar, possède une Mercedes et part en vacances aux Bermudes, aurons-nous un jour la subite révélation qu'une carotte, une crèche pour les enfants et un sauna sont bien suffisants? Dites-le bien fort quand arrive le dernier bol de riz. Si tout le monde avait la télé et du chocolat, le paradis serait-il non seulement ici mais partout? Le désespoir au moins aurait-il totalement disparu? Une personne sans emploi qui est plus intéressée par l'alcool que par les bibliothèques: en quelle mesure est-elle plus heureuse que celle qui meurt de faim? Comment évaluer la différence? Je déprime, non? Revenons à nos moutons. Que se passe-t-il si je décide que la misère de la majorité n'est pas la conséquence de l'opulence de la minorité et que les privilégiés ne festoient pas aux dépens des pauvres, est-ce que je pense encore qu'il faut aider les pauvres? Est-ce que la culpabilité se manifeste? Conduit-elle à l'action? Envers et contre qui? Ou bien est-ce que je choisis la pitié? Peut-être aussi la charité? A moins que cela n'interfère avec mes charges immobilières. La pitié et la charité viennent-elles du malaise que j'éprouve en voyant un être humain tel que moi mourir de faim? Ou bien sont-elles un signe de richesse? Grâce à ma richesse, j'ai le luxe de les éprouver. A cause de ma richesse, j'en ai besoin. Pourquoi? Je me dresse au sommet de la montagne de mes biens, et pour en goûter le doux vertige, je dois regarder en bas, et là, tout au fond de l'abîme, se trouvent certainement des gens qui meurent de faim. Il faut aider les plus démunis; est-ce que je pense cela parce que ça va de soi ou parce que c'est dans mon intérêt, pour éviter d'être confronté plus tard à la révolte et à la colère des pauvres? Est-ce cela, dont j'ai peur? Ou bien ai-je peur que mon indifférence face à ceux qui meurent de faim prouve à quel point mon affection pour mes enfants est superficielle et fausse? C'est ça? Superficielle et fausse par rapport à qui? Par rapport à moi, aux autres ou à mes enfants? Le commandant d'un camp de concentration, pendant son temps libre, ne peut-il pas être un bon père?
(Traduction: Isabelle Françaix)
Joanna Bailie : Five Famous Adagios
Joanna Bailie est née à Londres en 1973 et vit à Bruxelles depuis 2001.
En 1995, munie d'une bourse offerte par le Fonds Musical de la Comtesse de Munster, elle s'installe en Hollande où elle prend des cours privés avec Richard Barrett. Elle étudie également à l'Institut de Sonologie du Conservatoire Royal de La Hague. En 1999, elle obtient une bourse universitaire pour étudier la composition à l'Université de Columbia où elle termine sa Maîtrise. Deux pièces, Magnifications Matrix 1 et Warning sont respectivement sélectionnées par le jury du Concours Gaudeamus en 1998 et 1999. En 2001, elle est admise à l'IRCAM pour y suivre leurs cours de musique sur ordinateur.
Sa musique est jouée au Royaume Uni et à l'étranger par des ensembles prestigieux et son travail acquiert une reconnaissance internationale.
Elle travaille depuis quelques années avec le scénographe allemand Christopher Ragg sur des installations et des performances multimédia.
Elle a fondé avec le compositeur australien Matthew Shlomowitz l'Ensemble Plus-Minus dont elle est le directeur artistique.
"Depuis ces dernières années, je m'intéresse à deux concepts formels simples : l'opposition des extrêmes et la permutation du même. Les procédures combinatoires et la rationalisation des paramètres musicaux permettent d'obtenir l'essentiel de l'organisation et de la variation. Je présente souvent un matériau relativement compliqué dans des formes extrêmement précises et des pièces divisées en courts mouvements. En quelque sorte, ma musique paie un certain tribut, quoique de manière détournée, aux formes baroques. D'une façon plus tangible, elle est influencée par des compositeurs tels que Tom Johnson et Morton Feldman et par l'artiste Sol le Witt. Peut-être mon but ultime est-il d'explorer ce qui peut délimiter une pièce dans un contexte contemporain aux possibilités infinies." Joanna Bailie
Philip Glass : Quatuor n°3, Mishima
Le compositeur américain Philip Glass est né en 1937. Il est certainement l'un des compositeurs contemporains les plus prolifiques du XXe siècle. Il a composé la musique d'une douzaines d'opéras, celle de films et de pièces de théâtre sans compter ses oeuvres symphoniques et solistes. Ses structures répétitives et minimalistes hantent son opéra Einstein on the Beach (1979) et ses musiques de films comme les célèbres bandes sons de Koyaanisqatsi et Powaqqatsi, The Truman Show ou Kundun... Le Quatuor n°3 est la bande son du film Mishima de Paul Schrader (1985).
Stephen Shank
Stephen Shank est né de parents américains venus des Etats-Unis en Belgique après la seconde guerre mondiale. Il réside à Bruxelles d'où il travaille comme metteur en scène et acteur. Son travail est décrit comme physique, puissant, musical et imagé. Il parcourt le grand répertoire tout comme il est friand de textes littéraires qu'il adapte à la scène. Le flamand aux longues oreilles, de David Sheinert, Saint Julien L'Hospitalier de Gustave Flaubert, Lettre à un otage de Saint Exupéry ou encore Les cahiers de Malte Laurids Brigge, de Rainer Maria Rilke, L'apocalypse de Jean (en tournée aux USA, Canada et au festival d'Edimbourg), Alice au pays des merveilles (joué à Beaubourg lors de l'exposition Lewis Carroll), Beowulf, autre conte épique de la tradition anglo-saxonne, Le creux de la vague de Robert Louis Stevenson et Homme de ménage en territoire ennemi de Sir Robert Gray. Un fil rouge parcourt son travail: la vulnérabilité.
Les vers de Yeats : “But love has pitched her mansion / In the place of excrement / For nothing can be sole or whole / That has not been rent”traduisent son moteur essentiel. Comment faire tout à partir de rien, utiliser la cassure pour découvrir la plénitude, comment sonder la haine pour percevoir l'amour, pénétrer la mort pour mieux saisir la vie. Ses dernières création incluent encore Le roi se meurt d'Eugène Ionesco, Le jugement de Barry Collins, La tempête de Shakespeare, La tentation d'Hugo Claus, La balade du grand macabre de Michel de Ghelderode à Villers la Ville, ou Mademoiselle Jaïre au Théâtre Royal du Parc. Il parcourt la France avec un monologue émouvant et dérangeant: Voilà, la tranche de vie d'un homme qui se détricote dans les vapeurs d'alcool. Il crée avec la claveciniste Armelle Roux Passionnément Anna Magdalena, un travail de chambre autour de La chronique d'Anna Magdalena Bach. Le travail de ces dernières années s'est construit en collaboration étroite avec le scénographe Thierry Bosquet, les éclairages d'Alain Collet et l'assistanat de Luis Vergara.
Coproduction
Le manège.mons/Musiques Nouvelles - Re:new Music
Représentations passées
25/03/2010
Chapelle des FUCaM - 7000 Mons
Photos : Isabelle Françaix, Joanna Bailie, Max Savikangas, Philip Glass, Stephen Shank (par Isabelle Françaix).
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